Du Palais Jean de Bourbon au Musée Ochier
La première description connue du palais Jean de Bourbon, devenu le musée Ochier et plus récemment le Musée d’Art et d’Archéologie de Cluny est donnée dans le manuscrit de Benoît Dumolin (1713-1798), conservé au musée :
Le palais abbatial édifié par les soins et les libéralités de Jean de Bourbon, 42e abbé de Cluny, environ vers le milieu du xive siècle [ recte xve ?] ferme la cour de l’abbaye au nord par une terrasse qui lui domine suivant toute sa longueur. Cette terrasse règne devant la façade d’une aile du palais, c’est un pavillon à lucarnes mal percé bâti dans un goût irrégulier qui paraît en reculer l’ancienneté. Le corps de logis du palais abbatial que l’on prendrait plutôt comme une seconde aile est tournée au matin, il est peu étendu, orné aux deux extrémités d’un pavillon dont la façade est enrichie d’ornements en sculpture d’albâtre. L’aile du côté du nord et le fond du palais ne sont que des corridors où l’on trouve peu de logements ; le palais est vaste mais les appartements sont mal distribués. Dans l’intérieur on voit un cloître au couchant dont le centre est orné d’un puits et une cour régulièrement carrée placée au matin du cloître ; cette cour donne entrée au corps de logis.
Le jardin est placé au matin et sous les fenêtres du corps de logis, il est grand et carré. C’est une terrasse dont la situation marque la fertilité et lui donne un coup d’œil agréable sur le jardin de l’abbaye et sur la campagne.
L’ensemble du palais Jean Bourbon et du logis Jacques d’Amboise firent l’objet de transformations dans les années 1760, sous la direction de l’architecte lyonnais Guillaume-Marie Delorme.
Zoom sur la zone des palais abbatiaux d’après la gravure de la ville et de l’abbaye par Louis Prévost (vers 1672 ?)
Devenu bien national à la Révolution, l’abbaye de Cluny est vendue en 1798. Mais le palais Jean de Bourbon, ne faisant pas partie du domaine abbatial fut vendu, avec le pavillon de Guise et le logis Jacques d’Amboise, le 20 janvier 1797, à J.B. Constance Meunier, receveur du droit d’enregistrement, pour 20 000 Frs, dont un quart au comptant et le reste en mandats qui seront sans valeur peu de temps après,
L’ensemble acheté par Meunier fut gravement et assez rapidement mutilé. Les démolitions débutèrent en effet le 13 février 1797, soit moins d’un mois après l’achat, et s’achevèrent dans l’année.
Meunier chargea Claude Giraud, entrepreneur et tailleur de pierres, des démolitions. Aidé de deux couvreurs, Claude Giraud récupéra les matériaux en paiement de son travail.
Le 21 mars, ils entamèrent la destruction de la porte des Barabans située entre le mur du parc abbatial et le Baraban nord. Ils poursuivirent en direction du palais Jean de Bourbon, démolissant le passage aérien reliant le Baraban nord au palais Jacques d’Amboise, ainsi que le pavillon reliant les deux palais.
Meunier revendit à différents particuliers une partie des bâtiments et terrains qu’il venait d’acquérir, ce qui favorisera probablement par la suite le morcellement des terrains attenant au palais Jean de Bourbon et leur transformation en jardins. Sur le site, on distingue aujourd’hui un tracé lamellaire et l’extension sur le territoire abbatial des jardins situés à l’arrière des maisons de la rue de la Chanaise.
En l’absence de témoignage contemporain de la destruction du cloître du palais Jean de Bourbon, on peut cependant supposer qu’elle eut lieu à la même époque que celles citées plus haut. Seule l’aile sud subsiste, et sert actuellement de préau à l’école primaire établie sur cet emplacement à la fin du XIXe siècle.
En 1810, la veuve Meunier revendit une partie des bâtiments et terrains acquis par son mari. Le palais Jean de Bourbon fut acheté par Renaud Dumont pour la somme de 23 000 Frs.
Balthazar Augustin Hubert de Saint Didier, d’origine lyonnaise, vint à Cluny à l’époque de la démolition de l’abbaye et réalisa deux dessins à la plume l’un représentant la façade arrière nord du palais Jean de Bourbon, l’autre la cheminée de la salle centrale du premier étage :
Quelques années après, le docteur Jean-Baptiste Ochier, parent de Dumont, en devint propriétaire. A la mort de son mari, madame Ochier légua le palais à la ville, par acte du 17 août 1864, pour qu’il soit aménagé en musée et bibliothèque.
Dans son ouvrage intitulé « Cluny, la ville et l’abbaye (2e éd 1884), Auguste Penjon donne une description du musée dans ses premières années :
Le rez-de-chaussée de ce palais fait aujourd’hui partie de l’école des garçons ; les deux grandes pièces, dans l’une desquelles se trouve encore une belle cheminée, viennent d’être débarrassées de leurs murs de refend modernes. Elles servent, l’une de salle de classe, l’autre de salle de gymnastique. Les croisées primitives ont fait place depuis longtemps à des fenêtres moins largement ouvertes ; seule une petite porte renaissance, dont le perron a disparu, est restée comme suspendue au milieu de cette façade, dont des réparations intelligentes ont atténué les mutilations.
Le premier étage est assez bien conservé. Il est éclairé par cinq grandes croisées, dont trois ont encore leurs meneaux sculptés..
Le musée de Cluny occupe deux salles, dont l’une est remarquable par ses proportions. Elles ont encore leur antique cheminée, dont le manteau est orné de feuillages sculptés et d’écussons en relief que soutiennent des anges et des animaux symboliques. Celle de la grande salle est la plus belle ; on y voit les armes de Jean de Bourbon, celle de l’évêché du Puy et celle de l’abbaye de Cluny… La seconde cheminée est aux armes de Jean de Bourbon, de l’abbaye et de la ville de Cluny… On a déposé dans la plus grande de ces deux salles quelques objets qui composent le musée du Moyen Age de Cluny… L’autre salle contient le musée de peinture…. Une assez longue galerie, remplie de gravures, occupe encore le premier étage du palais abbatial.. Le cloître et la galerie du jardin du palais abbatial contiennent quelques débris de la grande église et des anciennes maisons de Cluny. Cette partie est la plus riche ; elle ne renferme cependant qu’un petit nombre d’objets. Il y a là onze grands chapiteaux, les seuls qui restent… Nous ne pouvons énumérer tous les petits chapiteaux si diversement ornés, qui garnissent tout un rayon, et dont le nombre pourrait certainement s’accroître encore… On peut admirer en outre de nombreux, d’importants débris des vieilles maisons de Cluny, démolies dans les trente dernières années ; il y là des claires-voies complètes …
La bibliothèque de la ville est contenue dans les deux dernières salles du premier étage. La plus grande est éclairée par une croisée ouverte sur la façade principale, dont les meneaux ont été enlevés, l’autre occupe la petite aile du palais abbatial. On voit dans celle-ci les restes d’une ancienne cheminée qui a été réduite aux proportions modernes .. Avant la cession de 1882 [à la Bibliothèque Nationale], la bibliothèque conservait environ huit cents chartes originales, d’époque très diverses, dont certaines ont leurs sceaux…
Et pour finir, quelques photos du musée au début et milieu du xxe siècle
Sources :
Benoît Dumolin Description historique et topographique de la ville abbaye et banlieue de Cluny
Auguste Penjon Cluny, la ville et l’abbaye, 2e édition – 1884
Bruno Marguery La destruction de l’abbaye de Cluny – 3e édition 2011
Bruno Marguery La reconstruction de l’abbaye de Cluny au xviiie siècle – 2012